lundi 28 juin 2010

Deux stigmates pour le prix d'un

"En 2004, des chercheur.e.s ont présenté à un groupe cet item : « L’égalité entre les sexes représente un progrès social de justice » et, les sujets du groupe en étaient d’accord.

Mais quand on leur à présenté l’item suivant : « Comme le soutiennent les militantes féministes, l’égalité entre les sexes représente un progrès social de justice, » les sujets du groupe se sont trouvés beaucoup moins d’accord.

Dans ce cas, la seule mention du terme « militante féministe » a suffi à faire diminuer l’adhésion à un principe normatif d’égalité.

En effet, les mouvements féministes ne sont pas reconnus pour les acquis qu’ils ont obtenus. Il y a comme une amnésie, mais une amnésie sélective, car si les gens oublient l’impact des mouvements féministes, ils n’en oublient pas la connotation négative qui est associée au mouvement féministe."

Voici ce qu'a relevé Germaine Watine (texte intégral consultable sur le site de l"AFMEG) dans un dossier consacré à l'antiféminisme.

Les féministes souffrent de discrimination. Réclamer l'égalité et le respect, c'est si grave que ça ?

De plus, contrairement aux autres groupes militants malmenés (écologistes, anti-spécistes ou anarchistes), les détracteurs visent l'intime et/ou la sexualité: hystériques, mal-baisées, aigries et autres clichés réducteurs sont légion.

Il est d'ailleurs intéressant de noter, toujours selon Germaine Watine, que "le terme est entré dans le dictionnaire comme une doctrine de l’égalité homme / femme. Mais, aujourd’hui, il est défini par les dictionnaires comme une attitude. Or, une attitude est basée sur une disposition psychologique. Ce qui fait du féminisme une disposition interne et non plus une lutte politique."

La féministe, qui se trouve être aussi dans la catégorie sociale des femmes, subit donc une double discrimination: l'une pour faire partie du groupe des femmes, l'autre pour souhaiter une égalité de traitement qui abolirait cette catégorisation.

Je comprends ces femmes qui se défendent d'en être, des féministes: le stigmate est pour le moins infâmant. Etre des femmes suffit déjà peut-être à leur peine.

Pourtant, la cause est juste et belle, je le sais.

Jalonnée de moments d'allégresse et de bonne humeur aussi.

Même si j'en suis parfois fatiguée, jamais je n'aurais honte de la défendre.




samedi 19 juin 2010

Le scum de Valérie



Tu as crié ton scum peu avant que je naisse

fracassant pour toujours le mythe de la gentille fille


Qui a dit que ton scum était un pamphlet misandre ?


La misandrie suppose la haine, certes ... mais gratuite


Rien de gratuit dans ton scum


Non rien:

que de la monnaie de la pièce que l'on t'a jetée au visage


Quelques mots contre toute une violence, une mer à boire,

tu as même été lésée, Valérie


Quand d'autres théorisent tu parles avec tes tripes

moi j'aime ton style


Quand d'autres dénoncent le système

tu montres du doigt ceux qui l'entretiennent


Et ceux-là ont souhaité partout ta mort pour ça


Ceux-là t'ont fait interner pour ça encore


Haïr ceux qui nous violent, nous esclavagisent, nous nient

c'est être folle


Parce qu'haïr les femmes pour RIEN

les tuer, les soumettre, les utiliser, les acheter

c'est QUOI ?


C'est juste de ça que tu parlais

et ceux-là ne l'ont pas supporté


Tu as tiré sur Andy comme on se légitime-défend


C'était l'un d'eux ou toi


Tu le sais bien, toi, que la guerre des sexes n'existe pas:

des oppresseurs, des opprimées c'est pas une guerre


C'est une invasion, une occupation, une colonisation

mais c'est pas une guerre


C'est pas une guerre

Mais ça n'empêche pas de lancer les mots

comme des couteaux




Edit: voici un lien vers le pdf du Scum Manifesto

mercredi 16 juin 2010

vendredi 11 juin 2010

Les cacher, les oublier



" Oui, les vieillards sont malheureux, affreusement malheureux de toute haine que nous portons à la vieillesse.

Et ces vieillards qui nous font horreur, et qui par ailleurs ne sont plus bons à rien (entendre, bons à produire, à participer aux dynamiques projets de l'homme), on ne peut plus que les chasser, loin, très loin, le plus loin possible; les cacher, les oublier.

Les parquer tous ensemble, les exiler dans d'inaccessibles séjours. Ils ont tant besoin de nous, et nous, de leur absence.

[...] Et si les vieillards, revenus des valeurs trompeuses de leur maturité qui les ont perpétuellement distraits de l'essentiel, entrevoyaient soudain la jouissance nue, entière de vivre ?

[...] J'aime délicieusement les vieillards, revenus de la vanité et du désir, les vieillards offerts à la vie.

Ils ne demandent plus grand chose, les vieillards; ils demandent le meilleur.

Ils demandent le pain, le lit, le soleil et les arbres, et ils demandent d'être parmi les autres, les adultes et les adolescents, les femmes et les hommes, les enfants et les bébés; tous les autres. Ils ne demandent qu'à vivre, à vivre ensemble, à vivre avec. Ils ne demandent que la jouissance nue du vivre.

[...] Qui pense à dire qu'une société d'où les vieillards sont bannis n'est plus une société, une communauté vivante, mais une caserne, une usine, une prison, un enfer ?"


Annie Leclerc - Parole de femme (1974)


Edit: j'ai hésité à transformer "vieillards" en "vieillard.e.s", afin de d'éviter toute équivoque, mais modifier les propos d'un.e auteur.e ne se fait pas. Vous aurez compris que "vieillards" recoupe les vieillardes aussi.


mercredi 9 juin 2010

Faire tourner les revendications

Je vous propose un texte à diffuser par tout moyen à votre disposition. L'idée est partie du blog Crêpe Georgette et a été relayée par Les Entrailles de Mademoiselle.



Personnellement, j'aurais bien aimé que soit abordée, dans le volet EDUCATION, la question de l'éducation à la non-violence et à la solidarité (et non à la domination/compétition) mais aucun texte n'est parfait.



La présentation de texte par ses initiatrices:



"A l’époque on avait envoyé ce texte à nos députés ; en pure perte, vous l’imaginez. Avec les réseaux sociaux, il me semble que, si l’on s’attelle collectivement à diffuser ces revendications, on peut avoir davantage de succès.Je vous propose donc de diffuser ce texte sur votre blog, facebook, twitter, bref ce que vous voulez. Vous mettez ou non un lien vers ce blog ; je vous demande juste, si vous décidez, parce que certaines revendications ne vous conviennent pas, de les ôter, d’alors faire un lien vers cet article qui comprend l’ensemble des revendications."



Le texte à diffuser:



Le sexisme est la discrimination d’un sexe sur l’autre. Le féminisme veut que cessent les discriminations à l’égard des femmes et, les études féministes s’orientant de plus en plus vers l’antisexisme, nous avons été amenés à étudier également les discriminations subies par les hommes, car elles découlent du même principe.En matière de sexisme, l’essentialisme repose sur l’idée que la sexuation des humains devrait se traduire par une différence de statut et de traitement entre deux classes de sexe, avec en arrière-plan l’idée d’une complémentarité dans la différence qui trouverait sa pleine actualisation dans le couple hétéronormé.



Nous rejetons l’essentialisme, en ce qu’il :



- constitue le noyau dur du système sexiste contre lequel nous luttons

- nie l’existence des personnes intersexuées et transexuelles

- freine la liberté des individus à concevoir leur identité en dehors de cadres sexués normatifs



Les principales revendications féministes sont les suivantes :



LUTTE CONTRE L’ESSENTIALISME ET LES STEREOTYPES DE GENRE



- Lutter contre les stéréotypes de genre dans l’éducation, l’enseignement, les médias, les jouets.
- Mise en place de campagnes pour valoriser le partage des tâches ménagères.
- Les échographies doivent juste servir à détecter d’éventuelles maladies et non plus le sexe de l’enfant ; sa connaissance favorisant l’essentialisme.



LOIS



- Promulgation d’une loi anti-sexiste équivalente à la loi anti-raciste
- Le terme de proxénétisme doit être redéfini afin de ne pas y inclure les éventuels compagnons et compagnes d’une personne prostituée. Les peines contre le proxénétisme doivent être renforcées et les crimes supplémentaires que peuvent commettre les proxénètes (coups et blessures, viols …) doivent être jugés séparément.



DEPENALISATION



- Abrogation des lois pénalisant le travestissement (dont le port du pantalon pour les femmes).
- Abrogation des lois sur le racolage passif et actif.



TRAVAIL



- Egalité stricte des salaires avec obligation pour les entreprises de rendre public un bilan détaillant les salaires, les promotions et les formations par sexe.
- Concernant l’égalité salariale, une femme estimant être victime de sexisme pourrait demander au tribunal qu’il examine un compte rendu des salaires lequel pourrait être utilisé comme preuve du caractère sexiste de la discrimination ; de même, qu’une personne s’estimant victime de racisme, d’âgisme, etc.
- Suppression de l’interdiction empêchant les femmes d’exercer certaines professions (dans l’armée par exemple).
- Application des mêmes critères de recrutement en ce qui concerne les hommes et les femmes (ex : épreuves sportives pour certains corps de métier).



EDUCATION



- L’éducation doit être identique pour les filles et les garçons et doit promouvoir l’épanouissement de l’enfant indépendamment de son sexe.
- les professions en rapport avec l’enfance doivent être formées au concept d’anti sexisme.- L’éducation scolaire doit promouvoir le rôle des femmes dans l’Histoire et la littérature.
- Les images dans les manuels scolaires montrant les femmes sous un aspect dévalorisant ou entretenant un stéréotype sexiste doivent être supprimées ; sauf dans les cours d’Histoire où ces stéréotypes peuvent être utiles à l’étude de l’Histoire (comme on peut montrer des caricatures de juifs des années 30 pour illustrer l’antisémitisme).
- L’éducation sexuelle doit devenir obligatoire dés le collège et enseignée par des professionnels, des associations, des médecins et des psychologues.
- Cette éducation sexuelle doit être une éducation sexuelle non hétéronormée. Elle doit également traiter à égalité des diverses orientations et pratiques sexuelles, sans chercher à les hiérarchiser au motif d’un jugement moral, religieux ou d’une analyse visant à démontrer un supposé caractère pathologique.



CORPS



- Interdiction de toute forme de mutilation sexuelle sur les mineurs : excision, infibulation, circoncision, réassignation sexuelle d’enfants intersexués.
- De campagnes de sensibilisation et des sanctions adéquates doivent être mises en place pour assurer l’effectivité de cette interdiction.
- Les techniques permettant de reconstruire les organes sexuels des femmes excisées et des intersexués mutilés doivent être remboursées par la sécurité sociale.



SEXUALITE



- Chaque être humain doit avoir le droit de choisir et de pratiquer la sexualité qui lui convient, dans le respect de la sexualité et du consentement d’autrui, toute sexualité entre adultes consentants relevant strictement du domaine de la vie privée.
- Tout acte de discrimination sexiste, en parole, écrit ou acte, visant à limiter l’exercice librement consenti de sa sexualité, soit directement (contrainte ou interdiction) soit indirectement (doctrine prônant ou valorisant la virginité, l’abstinence hors mariage par obligation morale ou religieuse) doit être considéré/condamné a minima comme incitation au sexisme et entrave au droit à la liberté de choix sexuel.
- Commettre un acte attentatoire à une personne (violence, séquestration, meurtre, “crimes d’honneur”…) au motif du non respect d’une obligation morale, religieuse ou sociale limitant le droit à la sexualité (”perte de virginité”, relation hors mariage, relation entre personnes de confession religieuse différente …) doit relever pénalement du délit ou crime commis avec circonstances aggravantes par la nature sexiste de l’acte.
-La virginité relève de la vie privée et de l’intimité de chaque personne. La virginité, en particulier des femmes, n’a pas à être promue comme idéal ; sa perte ne peut en aucun cas être condamnée.



CONTRACEPTION



- Les différents moyens de contraception doivent être intégralement remboursés et toute forme de préservatifs (condom, diaphragme et digue dentaire) doit être gratuite.
- Des moyens doivent être mis en œuvre pour le développement des méthodes contraceptives masculines comme la pilule contraceptive masculine.



INTERRUPTION VOLONTAIRE DE GROSSESSE



- L’ivg doit être un droit pour toute femme enceinte.
- L’ivg doit être autorisée aux femmes étrangères même si elles ne sont pas en règle.
- Le nombre de lits disponibles en hôpital doit être augmenté afin que toute femme puisse avorter quand elle le souhaite.
- Le délai de réflexion de 7 jours précédant une IVG dit être supprimé.



MALADIES



- Renforcer la lutte contre les maladies sexuellement transmissibles par des campagnes continues de sensibilisation insistant sur la responsabilité des deux partenaires quant aux rapports protégés.
- le préservatif féminin doit être promu et mis en avant dans la publicité pour la protection contre les MST.
- Les tests jugeant de la fiabilité d’un médicament doivent être pratiqués sur des groupes d’hommes et de femmes ; ce qui n’est pas fait aujourd’hui. De nombreux médicaments sont donc inadaptés aux femmes.
- La gynécologie médicale doit être revalorisée afin que les femmes n’aient pas à s’adresser à leur médecin généraliste, non spécialisé.e.



LANGAGE



- Mettre en place un comité de linguistes afin de neutraliser le langage et d’en faire le langage officiel obligatoire dans l’administration, sur le lieu de travail et à apprendre dans les écoles.
- OU féminisation des noms de métier. (* les deux idées font débat dans la communauté féministe francophone).
- supprimer sur le plan légal les notions de père et de mère pour les remplacer par “parents”, ceux-ci étant définis comme “personnes ayant un projet parental”, sans discrimination de sexe ou d’orientation sexuelle.
- Supprimer dans le langage toute référence à l’état de “disponibilité/indisponibilité sexuelle ou affective” des femmes. Cette suppression passe par l’interdiction dans tout document administratif et officiel de l’usage des termes “mademoiselle”, “nom de jeune fille”, “née X” …
- Suppression des termes “monsieur” et “madame” dans les documents administratifs ; les prénoms et le nom suffisent.- Supprimer l’appellation “école maternelle” pour la remplacer par “école préélémentaire”
- Suppression de la mention du sexe à l’état civil ; le sexe n’apparaîtrait plus sur aucun document de l’État. Dans la mesure où le sexe civil est abrogé, le sexe indiqué sur les documents légaux relatifs à la santé devraient refléter une réalité médicale : sexe masculin, féminin ou intersexe.
- Suppression du vocable et du statut de “chef de famille” (ou de “personne de référence”), les adultes d’un “groupe familial” doivent être traités à égalité.
- Remplacer la notion de “bon père de famille” par “personne citoyenne et responsable” (Belgique).



VIOLENCES CONJUGALES



- Créer des maisons d’accueil et d’hébergement dans chaque préfecture et sous-préfecture.
- Toute personne victime de violence conjugale doit pouvoir conserver le domicile conjugal.- Prise en compte et poursuites de toute plainte pour violence conjugale.
- Mise en place de service d’aide aux victimes et aux auteurs de violence.



VIOL



- La loi définissant le viol contre des personnes adultes doit inclure la notion de non-consentement.
- Suppression de la notion de pénétration (différence non justifiée entre viol et agression sexuelle).
- suppression de “l’enquête de moralité” sur les victimes de viol.



FAMILLE



- Remplacement du mariage par un “partenariat enregistré” ne reprenant que les aspects économiques du mariage, en ne tenant plus compte des aspects de la vie privée comme “fidélité” et obligation de vie commune.
- Interdiction des “unions forcées” (”mariages forcés”) et sanction effective des personnes ayant organisé une union forcée.
- Le sexe des contractants n’entrant pas en ligne de compte, le partenariat enregistré serait accessible tant aux couples homosexuels qu’aux couples hétérosexuels.
- Remplacer les congés dits de maternité et de paternité par un “congé parental” égal pour tous ; le congé médical suivant l’accouchement n’étant pas inclus dans le congé parental, il s’additionne à ce dernier.
- Le nombre de places dans les crèches doit être augmenté et être égal au nombre de demandes.
- Modification des disposition relatives à la filiation pour rendre celle-ci égalitaire pour les deux parents (notamment supprimer la loi décrétant automatiquement parent la femme qui accouche, ceci afin de supprimer la différence de traitement entre “maternité naturelle” et “paternité légale”).
- Autorisation d’adoption pour tous les couples, quel que soit le sexe des parents- Généralisation de la garde alternée en cas de désunion des parents.



ETRANGERS



- Donner le statut de réfugiée politique à toute personne victime de violences sexistes dans son pays ; cela vaut donc pour toutes les prostitué-e-s clandestin-e-s.
- Organiser des cours gratuits de langue et de fonctionnement de l’Etat à toute personne étrangère s’installant dans le pays, y compris dans le cadre du regroupement familial, afin de permettre aux personnes nouvellement arrivées (et en particulier aux femmes) d’être le plus rapidement possible autonomes.
- Renforcer la lutte contre les réseaux internationaux de traite des êtres humains, en particulier dans le cadre de la prostitution et de l’esclavage domestique.

dimanche 6 juin 2010

Le féminin s'emporte

Dans les manuels scolaires et autres Bescherelle, on nous apprend dès notre plus jeune âge que l'on forme le féminin d'un nom, d'un adjectif à partir du masculin et que l'on accorde un adjectif au masculin lorsqu'il accompagne des substantifs de genres différents.

L'avantage de règles de cette sorte c'est de faire passer pour naturels et universels des principes dont on peut dater, dans l'histoire de la langue, l'apparition.

Tois principes donc: le masculin géniteur, le masculin plus noble et le masculin vainqueur.

Réduire, rabaisser le féminin puis en triompher ... tout un programme auquel des grammairiens très très sérieux ont pris part.


- Le masculin géniteur:

Former le féminin suppose qu'il n'existe pas et qu'il va falloir s'appuyer sur de l'existant pour le mettre au monde (un peu comme la côte d'Adam). Former le féminin c'est donc partir du postulat que la langue ne le contient pas encore. Or, notre langue est issue en grande partie du latin vulgaire qui, lui, possède bien l'alternance des genres : altam/altum (haute/haut).

Le féminin n'est donc pas une création, non plus une dérivation du masculin mais une alternance qu'il suffit d'observer. Mais cette objective observation a pris une tournure partisane.

A la Renaissance, dans "Lesclarcissement de la langue francoyse" Jehan Palsgrave écrit ainsi: "How the adjectyves forme their feminine genders out of their masculyns". Les féminins sortent donc "out of" des masculins. Ce processus sera repris un peu plus tard par Louis Meigret dans "Le tretté de la grammere francoeze" s'imposant progressivement comme un état de fait.

C'est ainsi que l'on nous apprend à écrire froide, par exemple, à partir de l'adjectif froid auquel on ajoutera la marque du féminin, c'est-à-dire le "e". De fait, haut donne haute, confus donne confuse ou épicier donne épicière. Cette présentation, loin d'être anodine, pose le masculin comme un radical dont les déclinaisons en genre et nombre découleraient.

Pourtant, il m'arrive souvent, pour des raisons pratiques, de faire partir un.e apprenant.e d'un mot féminin pour trouver la lettre muette de son pendant masculin. En effet, comment savoir que compris se termine par un "s" muet lorsque l'on est dysorthographique ou illettré.e ? En prononçant le mot féminin.

Le masculin ne donne donc pas naissance au féminin, puisqu'il existe déjà. En revanche, le féminin contient et le masculin et les outils de compréhension des subtilités et pièges de la langue. Des outils que les grammaires peinent encore à mettre en avant malgrè l'efficacité que les enseignant.e.s leur accordent sur le terrain.



- Le masculin plus noble:

Bah! oui, il fallait s'en douter: l'accord des adjectifs confrontés à deux genre différents devait bien un jour ou l'autre faire l'objet d'un consensus.

Au XVIIe siècle, Vaugelas a commencé à prendre les choses en main: "Parce que le genre masculin est le plus noble, il prévaut tout seul contre deux féminins". On ne parle pas explicitement de féminin moins noble, voire carrément vulgaire tant qu'à faire, mais c'est tout comme.

Il s'est quand même questionné, le Vaugelas, avant de pondre sa sentance définitive: " "Ce peuple a le coeur et la bouche ouverte à vos louanges" [...] Il faudrait dire "ouverts" selon la grammaire latine [...] mais l'oreille a de la peine à s'y accomoder [...] Je voudrais donc dire "ouverte", qui est beaucoup plus doux, tout à cause que cet adjectif se trouve joint au même genre avec le substantif qui le touche, parce qu'ordinairement on parle ainsi, qui est la raison décisive" (la partie en italique était soulignée par l'auteur).

La noblesse du masculin vaut bien les formulations auxquelles nous sommes désormais tenu.e.s: "Maman cuisine avec un fait-tout et une casserole verts" ou "Papa lit un article et une chronique instructifs".



- Le masculin vainqueur:

A la même époque, le père Dominique Bouhours s'est appuyé sur cette auto-proclamation de noblitude pour instaurer la fameuse règle du masculin qui l'emporte. Ainsi dans ses "Doutes sur sur la langue francoise", il dogmatise selon une formule qui restera sans appel: "Quand les deux genres se rencontrent, il faut que le plus noble l'emporte" ...

Une simple règle de grammaire ? Non, car la langue construit notre rapport au monde. Un seul homme l'emportera toujours sur une, deux, mille, des milliards de femmes et même la totalité des femelles de la planète. Waow ! Trop fort.

Et ce n'est pas tout: ce pédant ecclésiastique distingue les féminins acceptables et ceux qui ne le seront point. "Au reste, quand nous dirions "insidiateur", il ne s"ensuivrait pas qu'on pût dire "insidiatrice", non plus qu' "exterminatrice", "tentatrice", "dominatrice", "dispensatrice" dont quelques Ecrivains se servent. On ne fait pas de ces féminins qu'on veut, et il n'est permis que ceux que l'usage a autorisés".

On ne fait pas de ces féminins qu'on veut ? Pourquoi "faire" des féminins alors qu'ils existent déjà selon la règle d'alternance qui prévaut pour d'autres ? Actrice/acteur, directrice/directeur, etc.

Il n'est permis que ceux que l'usage a autorisés. Bien, chef mais si on vous suit bien, ici l'usage c'est vous tout seul ...

Voilà, les voyages dans le temps c'est toujours instructif: le sérieux des grammaires et de leurs auteurs que l'on a toujours opposé aux féministes qui osent, ont osé remettre en question le sexisme avéré de la langue en prend quand même un sacré coup. A la logique raisonnée, à l'équité qui devraient guider toute démarche de règlementation de l'outil commun que représente la langue, "on" a préféré l'aveuglement imbécile de la haine et de l'égotisme mêlé.e.s. C'est sérieux, ça ?






Sources: mes Bescherelle, Bled et dictionnaires et, surtout, la mine d'infos qu'est "Le féminin à la française" d'Edwige Khaznadar.


vendredi 4 juin 2010

Trop drôle

Bon, vous me direz que c'est pas chez les lecteurs de Libération que l'on trouve la crème de la réflexion masculine mais je souhaitais malgré tout partager ici les formules aussi plates que l'encéphalogramme des commentateurs de cet article tiré du journal susnommé : "Le sexe s'invite à la Coupe du monde" (Libération du 11-03-2010).

On y parle de "marquage ... à la culotte", de "coups francs et touches ... pipi", de "croupe du monde" et aussi (celle-ci a beaucoup plu et a été reprise plusieurs fois) de "tir aux putes".

Visiblement, lors de ces "matchs de foutre", "l'arbitre ne sera pas le seul à sortir son gros sifflet" et "l'on reconnaitra le vainqueur à celui qui en aura mis le plus".

Le fil conducteur de ces jeux de mots à deux balles (de match ... moi aussi, j'ai de l'humour , arf) ne vous aura pas échappé.

C'est vrai que c'est trop marrant toutes ces femmes que l'on va faire transiter et mettre à disposition juste pour servir de défouloir à ces supporteurs surexcités par la virile compétition. Je les imaginais déjà sales, hargneux et violents pour la plupart mais là, je mesure leur degré d'imbécilité.